dimanche 8 février 2009

Parle-moi de la lune

Un vend sec et chaud soufflait dans la plaine, faisant voler des grains de poussière qui venaient nous battre. Sans répit, il fredonnait un air de désolation, et son chant lugubre m’évoquait cyniquement la voix des prêtres qui psalmodiaient lors des rites funèbres.

Je frissonnai.

Cela faisait deux jours que nous avions entamé la traversée de la plaine, mais autour de moi à perte de vue, cela ressemblait bien plus à un désert. Quelques rares arbres, de ce qui avait peut-être été autrefois une forêt, se dressaient misérablement, et plusieurs étés caniculaires avaient eu raison de la végétation : désormais, rien d’autre ne poussait que de mauvaises herbes profondément enracinées à l’ombre des rochers.

Le moral de la troupe était bas. Nous marchions sous un soleil de plomb en suivant le lit d’une rivière asséchée, et tous avaient hâte d’arriver au prochain village. Mais non, le capitaine avait préféré passer par la plaine, plutôt que de prendre par la forêt, une belle petite forêt fraîche et accueillante. Foutu capitaine. Même si on risquait moins l’embuscade en terrain plat et découvert, ce n’était pas lui qui se trimballait tout le matériel sur le dos et suait à grosses gouttes pour un salaire de misère.


Depuis la bataille de l’avant-veille, il était de mauvais poil. Il fallait reconnaître que le choc avait été rude, une quinzaine d’hommes y avaient laissé la peau. J’en connaissais certains d’ailleurs. Pas des enfants de chœur, mais pas non plus des sales types dans l’âme.
Quant aux survivants, dont je faisais heureusement partie, ils s’en allaient rejoindre la garnison de Styr pour mater une insurrection contre le gouverneur local, avant de se diriger vers le front est.

Cette bataille … Cela avait été mon sixième combat — et mon plus sanglant — depuis que je m’étais engagé. Même si je passais toujours pour un bleu auprès de mes compagnons, je commençais à prendre les bonnes habitudes et mes mains ne tremblaient plus quand j’empoignais mon épée avant la bataille. J’en tirais une certaine satisfaction, mais aussi un curieux sentiment de malaise : la guerre faisait désormais partie intégrante de ma personne.
- Alors l’Erudit, tu rêvasses encore ?

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